Mustradem - Musiques Traditionnelles de Demain
Newsletter #64 mai juin 2020
Édito Au dernier jour de la Confine

L'infaillible façon de tuer un homme / c'est de le payer pour être chômeur / Et puis c'est gai dans une ville ça fait des morts qui marchent                    Félix Leclerc

On n'avait rien demandé. Pour une fois.

Et voilà que d'un coup d'un seul, tout s'est arrêté. Hier encore, je courais après les minutes, contraint, faute de temps, à un édito presque copié-collé. Et aujourd'hui, c'est quasi retraité sur une terrasse repeinte à neuf, que, du sommet de ma tour, je redécouvre chaque jour ma vallée, elle aussi lavée d'une lumière de nourrisson, à l'horizon de laquelle vont, demain, recommencer à s'agglutiner, matin et soir, bite à cul comme on dit chez nous, tous ceux qui, en des temps bénis, ont choisi le beurre et l'argent dudit : bosser en ville et vivre à la campagne. Trois générations de tout-bagnole et de capitalisme sauvage ont fait le reste : une planète ruinée, un monde salopé (et au passage, autoroutes et SNCF privatisées).
Ah oui, mais alors ? Tu veux que tout le monde s'arrête de bosser, c'est ça ?! Eh oui, c'est bien par cela qu'il faut commencer : ce monde, nous l'avons fait, mais nous ne l'avons pas choisi. Nous subissons depuis des décennies les choix que l'on fait pour nous. Et en un claquement de doigt (1) tout s'arrête. Je n'ose écrire s'effondre. Parce qu'au-delà d'une situation que chacun jugera à son aune, et qu'une fois de plus les précaires et autres misérables (2) prendront de plein fouet dans la face un peu plus que les autres, il n'en reste pas moins que le monde que nous aimons a retrouvé des couleurs. Point de vue de nanti ? Ancien asthmatique, je connais la valeur du litre d'air pur.
Quant au télétravail, qui fait baver tout debout dans les médias mainstream, si c'est pour atomiser un peu plus les rapports humains dans l'entreprise, et accélérer la pollution numérique, bien réelle, merci, belle perspective.
Voilà beau temps, braves amis, que je beugle ici-bas dans ces colonnes, que l'intermittence est l'avant-garde d'un statut de « salarié à vie » qui devrait pouvoir concerner tout un chacun, sous peine de voir s'accroître mécaniquement la précarité tant qu'on prétendra dans ce pays faire travailler les gens sans investir massivement dans une politique de l'emploi digne de ce nom. Or, il ne semble pas que ce soit prévu dans le plan appliqué chez nous. Ce qui rend, finalement, la situation assez simple : soit on continue à prôner le plein emploi d'une main et de l'autre à fabriquer des chômeurs et à les culpabiliser, quand travailler coûte à la société (en stress, en maladies, en pollution) bien plus que cela rapporte à l'individu, soit on réalise enfin qu'un homme heureux est un homme en bonne santé. Et qu'un homme qui respire est un homme qui prend son temps.

Qu'avons-nous fait pendant ces deux mois ? Oh, un milliard de choses. Nous avons dormi (des mois entiers sans vacances). Nous avons réparé, entretenu notre intérieur. Nous nous sommes occupés de nos gosses. Nous avons bricolé des vidéos. Nous avons travaillé. Nous avons lu. Bref, nous avons vécu. Nous avons aussi produit du lien social, de la valeur, elle-même synonyme de richesse (ils veulent tout chiffrer, on peut le faire aussi). Considérons cette valeur (3), cotisons à hauteur, voilà un pays riche, versons-nous un salaire et une retraite en conséquence. Ce plan existe : c'était la France en 1945. Il a été détricoté par 40 ans de « gestion » néo-libérale (ce n'est pas pour rien si la baisse des cotisations rayonne au fronton de leurs programmes). Il valait pour tous, pas seulement pour 127000 artistes (4). Aujourd'hui, il s'agit de le réadapter aux nouvelles urgences : vivre trop nombreux dans un monde qui n'en peut plus, qui craque de toutes parts.

Il apparaît, au réveil de cette parenthèse, au sortir de ce rêve étrange, qu'en fait, c'était facile. Facile de trouver des milliards pour l' »activité partielle ». Pour faire redémarrer l'économie, pour soutenir la production (5). Pour que l'hôpital public sorte la tête de l'acide dans lequel on le plonge un peu plus chaque année. Pour rendre gratuits les transports en commun. Pour payer les gens à rester chez eux. Pour investir. Bref, facile de promettre le paradis quand hier encore on annonçait l'enfer.

De notre côté (cf ci-dessous), tout le volet « spectacle vivant » a pris un sérieux coup dans l'aile. Mais voilà plusieurs années qu'il compte pour peu dans l'économie de la maison MusTraDem. Quant au participatif, il fait vivre les artistes mais rapporte très peu à la structure. Ce qui va nous permettre aujourd'hui de surnager, c'est bel et bien le secteur « pédagogie numérique » : nos vidéos pédagogiques grâce auxquelles vous apprenez l'accordéon ou l'harmonie sans sortir de chez vous. Aussi nous allons pouvoir, grâce aux efforts redoublés d'une poignée de bricoleurs (et d'un administrateur qui ces jours travaille deux fois plus qu'avant, si c'était possible), continuer à nous adapter et à nous réinventer...Même si la tentation caresse parfois de dire stop.

En attendant, il s'agit d'un désastre annoncé pour l'économie culturelle en général. C'est normal : c'est d'abord de l'économie, on vend du spectacle, du savoir-faire, du rêve, mais on vend. Si l'intermittence permet de produire, elle n'est pas une recette pour vendre. On ne voit pas en quoi le commerce du théâtre différerait de celui des pommes de terre : dans les deux cas, l'Etat doit suppléer des productions que le système obligeait à fonctionner dans un flux tendu, rendu impossible aujourd'hui. Ça tombe bien : il en a les moyens. Mais nous n'en doutions pas.
Après, si votre vieille tante richissime souhaite léguer sa fortune à un collectif d'artistes en plein essor, on est preneurs aussi. Quelque chose me dit que si on compte trop sur les promesses des uns et des autres, on n'est pas sortis de l'auberge.

Le vieux Félix Leclerc avait peut-être raison chez lui il y a 50 ans, il a tort ici et maintenant. Des morts qui marchent ? Nous sommes devenus, un temps, des vivants immobiles, qui veillent, et respirent.

Christophe Sacchettini
tofsac@mustradem.com 

  1. dans L'An 01 de Gébé et Doillon, revu pour l'occasion, en 1972, c'était d'un coup de sonnerie...

  2. 14,7% des Français sous le seuil de pauvreté (INSEE 2019)

  3. 47 concerts quotidiens aux fenêtres, par exemple, combien ça vaut, dites un chiffre pour voir ?

  4. Les intermittents, avant d'être artistes, techniciens, restaurateurs ou coiffeurs dans le spectacle, sont avant tout des travailleurs précaires, concernés par cette aberration qu'est le CDDU (Contrat à Durée Déterminée d'Usage).

  5. 7 milliards pour Air France, quand même ! Macron a tout faux : ça n'est pas dans les écoles qu'il faut envoyer les artistes, c'est dans les avions.

 

PS : et puis, tiens, pendant qu'on y est, il ferait beau voir que l'on rouvre les églises avant les maisons de la culture, vu que ce sont pareillement des lieux où l'on raconte n'importe quoi, dans l'espoir de se faire du bien.

 
VIDÉOS PEDAGOGIQUES

Toutes nos vidéos pédagogiques (accordéon diatonique, chromatique, clarinette, harmonie) sont disponibles ici. Stéphane Milleret s'apprête à tourner une nouvelle série pour le diato, que nous mettrons en ligne prochainement. Enfin, les 5 épisodes suivants de l'indispensable série collective Histoire de l'harmonie (Mignotte / Milleret / Pignol / Reboud / Sacchettini / Sarzier) seront en boutique dès juin. 

 
LA PART DES ANGES

Avec tout cela, c'est la sortie de l'album La part des anges du duo Brotto-Milleret, qui fut bien sabotée. Racé, agréable au toucher, de bon goût, efficace et direct dans ta face, le CD-diato qu'il vous faut. 

 
PAGE FACEBOOK

Pendant le confinement, on l'a alimentée cette page FB ! Vous pouvez y suivre tous nos petits travaux musicaux :

  • les clips Brotto-Milleret
  • les clips Frères de Sac 4tet
  • Au premier jour de la Confine, chanson à rallonge (Mazille / Vigne / Argentier)
  • les montages In Situ Babel confinés
  • la compil Covid Mégamix Vol.19 (cf ci-dessous)
  • les nouvelles aventures de Norbert Pignol et Léa Dessenne
  • les radioguidages d'intérieur par Denis Plassard (sur des musiques de Rites)
  • le teaser du prochain album de Rosa Combo, à paraître prochainement
  • les concerts aux fenêtres du 170 galerie de l'Arlequin
  • les recettes de cuisine de Maïté Milleret
  • quelques autres projets confinés
  • quelques archives...
 
COVID MEGAMIX VOL.19

Notre webmaster préféré Romain Marchand a mis en route début avril Covid Megamix vol.19, un projet de compil dématérialisée du milieu folk-trad. Le résultat : 79 morceaux originaux enregistrés pendant le confinement (et une trentaine de vidéos) parmi lesquels on trouve le duo Brotto-Milleret, Frères de Sac 4tet, Catherine Faure, Anne-Lise Foy, Jean-Pierre Sarzier, Jean et Pierre Banwarth, Julien Cartonnet...Les bénéfices seront reversés à la fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France

On peut acheter l'album numérique ici.

 
L'ACTUALITE

La tournée Brotto-Milleret est en cours de report l'an prochain ; idem pour Frères de Sac 4tet (détails sur l'agenda du site quand il sera réparé). 

Quant au stage d'août Musiques Traditionnelles...ou pas, il reste des places (vielle, flûte à bec, cornemuse, Massif Central, sonorisation, violon).

 
IN SITU

La résidence de restitution du projet In Situ Alma-Très-Cloîtres, prévue en mars, est reportée. 

Quant à l'opération In Situ Babel, elle a continué sous forme numérique, et nous serons en principe à nouveau présents sur l'agglo d'Annemasse dès juin.

 
FAMDT

Les rencontres nationales de la FAMDT prévues en juin à Parthenay sont bien entendues annulées, mais l'Assemblée Générale se tiendra en visio-conférence le 11 juin.

 

 
COPINAGE

Vous avez aimé les belles illustrations de La Confine ? Soutenez les illustrateurs (pas intermittents), allez faire un tour sur le site de Capucine Mazille, achetez l'album-CD Au jardin des bêtes sauvages (Patrick Reboud / Marie Mazille / Capucine Mazille / Pierre Vellones / Anne Sylvestre) et ses nombreux autres albums pour enfants.
Pendant que vous y êtes, visitez également la chaîne de Franck Argentier, et le blog de not'Président bien-aimé Fabrice Vigne, où chaque ligne redonne foi en l'homme. Vous aurez fait le tour des principaux responsables de cette chanson de 108 couplets, qui a reçu des contributions de nombreux complices.
Sachez qu'à la demande générale, les saisons d'Au premier jour de la Confine vont continuer de paraître, et enfin que l'idée d'un ciné-concert est dans l'air.

L'ami Stéphane Damiano a improvisé, chaque soir d'avril, sur son piano, pour saluer les soignants. Ecoutez-le ici.

 

 

 
BOUTIQUE

Vous qui, pendant ces deux mois, n'avez juré que par le commerce raisonné, local, bio, et de première nécessité, notre boutique est faite pour vous. Entrez ici, et faites une bonne action.

 
CHAINE YOUTUBE

En prévision d'un prochain confinement, abonnez-vous, désabonnez-vous, rabonnez-vous ici.

 
          
 
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