Newsletter #60 | septembre octobre 2019 |
Édito Les masques de Picasso | |
« Un artiste ne chemine jamais seul sur les sentiers de la création. » (Claude Lévi-Strauss)
En rentrant d'Obaba, je me suis arrêté à Céret. Ce village de la Vallée du Tech (Pyrénées-Orientales) abrita autrefois une colonie de peintres. Au mur de son beau Musée d'Art Moderne, à côté d'un tableau, on lit ceci : « J'ai compris que c'était le sens même de la peinture. Ce n'est pas un processus esthétique, c'est une forme de magie qui s'interpose entre l'univers hostile et nous, une façon de saisir le pouvoir, en imposant une forme à nos terreurs comme à nos désirs. Le jour où j'ai compris cela, je sus que j'avais trouvé mon chemin. » C'est de Pablo Picasso. Il relate ici sa découverte des « masques nègres » au Musée Ethnographique du Trocadéro, en 1907. Lui, dont la peinture incorpora et transcenda à la fois toutes formes d'art préexistantes, sut dire cette révélation. Mais bien sûr, il n'était pas seul : rançon du colonialisme, c'était dans l'air du temps. Encore fallut-il se battre pour incorporer ces formes « primitives » aux formes d'art occidentales. Ce fut une des prises de conscience d'un siècle moderne, secoué d'un irrémédiable métissage ; mais aussi le début d'un combat collectif, pour arracher à cette mondialisation à marche forcée, de la liberté, du sens et de la fête. Ainsi m'électrisa la découverte du folk, à l'adolescence. Et aujourd'hui dans ces mots, je retrouve le sens d'une aventure collective toujours nécessaire, et revivifiée, en ce début de saison, comme par un courant d'eau froide. Avancer ensemble, au sortir du stage Mydriase d'août, c'est, plus que jamais, un besoin et un bonheur. Mais que lisons-nous entre ces lignes ? Que nous dit dès lors la peinture de Picasso ? Qu'il faudrait songer à se remasquer. La recherche de racines est une chose (à l'époque, ce sont les folkloristes et les nationalistes qui s'en préoccupent), l'artiste, lui, cherche à se ressourcer sans cesse, à renaître dans une eau vive (flash nietzschéen). Or, notre époque républicaine, rationnelle et centraliste ne tarit-elle pas, à force de lois, les sources bienfaisantes, d'où qu'elles viennent et sans faire le détail ? Si l'on redécouvrit avec tant de force les oripeaux de cultures populaires exotiques, c'est au moment que les nôtres se voyaient enterrées à coups de bottes. Il fallait bien un immigré espagnol pour nous le faire comprendre sans que cela pue la cocarde. Parmi ces usages, celui des masques. Figure antique redécouverte à la Renaissance, d'usage rituel, fonctionnel, souvent apotropaïque (protection de la maison), le masque, porté ou non, montre, cache et dévoile. L'effet est souvent lié à la fonction : rien de plus effrayant que les masques antiques latino-américains, qui ravivent la peur primale d'être « mâché » (étymologie latine via l'espagnol mascar). Encore faut-il, toute menace religieuse disparue, pour se tremper dans une saine crainte, accepter de voir le masque en face. C'était le cas autrefois pendant le Carnaval. Des régions alpines, entre autres, en gardent trace. Mais qui d'entre nous, mes amis, accepte, ne serait-ce qu'un instant, de se masquer d'un objet à la magie à peine disparue ? C'est même pire : se démasquer est aujourd'hui un enjeu policier. Qu'on le veuille ou non, c'est d'abord le visage nu qui nous identifie. Or, il se pourrait que se masquer réponde à un besoin ponctuel mais vital. Il est sans doute éloquent que le masque aujourd'hui subsiste dans les films d'horreur, sous une forme qui effraie sans plus rien donner en échange. Rien n'interdit de penser que le recours aux réseaux sociaux comme poubelle où il est permis de déverser les pires ordures, réponde à un besoin d'avancer masqué, désormais prohibé au grand jour. Internet permettrait alors de cultiver au quotidien un fond de schizophrénie, qui autrefois ne se manifestait qu'une fois l'an sous forme de rituel encadré. Se remasquer au soleil, reviendrait à retrouver le sens d'une démarche collective sans que celle-ci mette en danger le fond de l'âme que, dans notre imaginaire chrétien, notre visage reflète. Je connais de rares artistes qui en font ainsi usage, brièvement, sur scène. Comme le dit bien Claude Lévi-Strauss en 1975, alors qu'on l'interroge sur la valeur accordée au masque par les Indiens du Canada d'où il revient : « avec un masque, on se sent bien. » Il est même possible que ce besoin de se masquer réponde à une très ancienne peur : celle de croiser son double, présage mortel. Il s'agirait alors de conjurer ce moment dont parle le philosophe Alexandre Lacroix (1) qui n'arrive selon lui qu'une fois dans une vie : « le jour où nous nous rencontrons », « où nous passons à côté de nous-mêmes dans les grands escaliers qui mènent de la nuit à la nuit », au moment précis où « la conscience qui monte croise le corps qui descend ». A moins encore que nos masques soient réels mais invisibles, cachés dans les replis de l'inconscient, collés, notre vie durant, à la peau d'une identité imaginaire ou disparue. A quel rare moment alors nous démasquons-nous vraiment ? Il n'est pas impossible qu'après une nuit blanche de fête (dans le Val d'Aoste par exemple, après un bal réussi), au lever du soleil, ivre de notes et de nature, face à la montagne, les armes s'abaissent, la nudité s'impose, la vie l'emporte, les masques tombent. |
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Christophe Sacchettini |
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Masque d'homme sauvage (Valais) |
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STEPHANE MILLERET | |
Le duo Brotto-Milleret sera le 6 septembre à la Feira de Dieta Mediterrânica de Tavira (Portugal). Quant aux Toc Toc Toc, ils se font rares, raison de plus pour aller ruisseler avec eux et le Petit Bal Ratamouche au festival de Marsinne (Belgique) le 8 septembre. | |
FRERES DE SAC 4TET | |
Après les beaux concerts de l'été, la tournée de Frères de Sac 4tet continue, par un bal à Domène (38) le 12 octobre (1e partie Folkadomène). Orga : MusTraDem et Folkadomène. Ensuite ils seront en bal à Lons-le-Saunier (39) le 26 octobre (1e partie Herbe Folle'K), + stage de branle d'Ossau avec Geneviève Chuzel, et en concert le 10 novembre à Grenoble c/o Annik Magnin.
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TRES-CLOITRES 2019-2020 | |
L'ouverture de saison du Nouveau Théâtre Ste-Marie d'en Bas (Grenoble) se fera les 21 et 22 septembre pour les Journées du Patrimoine, autour de la question du PCI (Plan Cadastral Informatisé ? Parti Communiste Indochinois ?...Patrimoine Culturel Immatériel !). Ce sera l'occasion de faire remonter sur scène une partie de l'équipe d'In Situ Villeneuve pour un concert exceptionnel le 21, en 1e partie d'A Filetta. Ce concert sera le coup d'envoi d'une opération de collectage-création dans le quartier Très-Cloîtres jusqu'en juin 2020, commande du CIMN (Centre International des Musiques Nomades).
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IN SITU BABEL | |
Pendant ce temps, la résidence In Situ Babel se poursuit sur 4 communes d'Annemasse Agglo (Ambilly, Gaillard, Ville-la-Grand et Annemasse). Nous y serons présents pour la rentrée des écoles en musique (6 septembre), puis le 14 septembre pour la Fête du Quartier Prés des Plans (Ville-la-Grand), et du 7 au 10 octobre. Détails sur FB et sur l'agenda.
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GENEVIEVE CHUZEL | |
Elle vous propose un stage de contredanses anglaises le 13 octobre à l'Isle d'Abeau, accompagnée par Frères de Sac duo. Orga : Trad O'pieds.
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NATACHA EZDRA | |
Natacha chantera Ferrat à Mérignac (33) le 20 septembre, toujours accompagnée par Yves Perrin, Patrick Reboud et Christophe Sacchettini.
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TROIS FILLES DE LEUR MERE | |
C'est le 18 octobre qu'aura lieu la première de Trois Filles de leur Mère, adaptation du livre (très) érotique de Pierre Louÿs par Fabrice Vigne, Stéphanie Bois et Christophe Sacchettini. Ça se passera galerie de l'Arlequin à la Villeneuve de Grenoble à 20h. Résas : tofsac@mustradem.com | |
CLIPS EN VRAC | |
N'oubliez pas avant de partir de passer par notre chaîne Youtube ! Vous y verrez nos clips, très beaux tous les 3 : Lisières de Frères de Sac 4tet, Ça mousse / route 87 du duo Brotto-Milleret, ainsi que leur dernier clip Sur les quais. Un clip nouveau nous est annoncé pour l'automne. En attendant, partagez, partagez !
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VIDÉOS PEDAGOGIQUES | |
Elles sont désormais en boîte, nos conférences filmées sur l'harmonie. Elles seront disponibles dès décembre sous forme de vidéos pédagogiques (20 épisodes).
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CULTURE | |
On a entendu (brièvement) DJAL en fin d'une émission de France Culture La marche de l'histoire, consacrée à la fameuse Marche des 1000 de 1989 (défilé de folkeux à Paris pour les fêtes commémoratives de la Révolution Française) et à l'ouvrage qu'en a tiré notre ami François Gasnault. A réécouter ici
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OFFRES D'EMPLOI | |
Nos amis de Coin Coin Prod. recrutent : Chargé.e de production du défilé de la Biennale de la danse 2020 « Afriquarks – l’Afrique du futur » Conseiller.e commercial.e formation Un.e service civique promotion de la culture et valorisation de la vie associative | |
COPINAGE | |
La semaine de la non-violence aura lieu comme chaque année la première semaine d'octobre. A la Villeneuve de Grenoble, on pourra entendre la chorale des Enfants de la Villeneuve le 2, accompagnée par Marie Mazille, Patrick Reboud et Christophe Sacchettini, ainsi que De la terre dans l'canon par Etsaut Trio (Laurent Cabané, Alain Lafuente, Marie Mazille) le 4. Les 4, 5 et 6 octobre, le merveilleux groupe Aksak fête ses 30 ans à Meyrargues (13). Avec un programme alléchant : concerts, chants (Françoise Atlan), bal, invités, pique-nique...Encore une belle et longue histoire collective. Infos : patrice.gabet@hotmail.fr Arrivés 3e au concours de groupes « Loïc Raison » du festival Interceltique de Lorient (prochaine étape : la médaille Cochonou ??), visitez le FB de nos camarades du groupe Esling. Les inscriptions pour les Bourses de Compagnonnage FAMDT / ADAMI (créées par le CPMDT) sont ouvertes pour la saison 2019-2020. | |
LA BOUTIQUE | |
La nouveauté de l'année Trouveur Valdotèn / Noé Novel - CD Les galettes de l'AEPEM Barbillat & Touraine / Ronds et rondes traditionnels chantés du Bas-Berry, vol.1 - 3 CD Vous qui entrez ici, laissez votre carte bleue. | |
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