Il n’existe aucun discours qui ne soit une fiction.
                                             Roland Barthes

Le colloque « La création dans les musiques traditionnelles d'aujourd'hui » (Lyon, 12 et 13 décembre) est passé. On y a entendu des choses bien intéressantes. Mais peut-être pas assez ⁽¹⁾. On a parfois eu l'impression qu'il pouvait être compliqué, difficile pour des artistes, d'avoir à plonger les mains dans la tuyauterie de la création, à expliquer vraiment comment on fait, sinon pourquoi. On a été en particulier surpris que personne ne mette sur la table son arborescence mémorielle intime. Car si le rapport aux sources et la façon dont il se perd dans le processus créatif semble assez clair pour chacun (bien au-delà des postures de droit-ou-pas à faire ceci avec cela), rien n'a été dit sur le plan esthétique que dessine tout ceci. Comme si les artistes avaient l'oeil encore trop près de l'origine, du répertoire auquel ils osent toucher avec leurs grosses papattes, pour prendre la question par l'autre bout et considérer l'oeuvre ainsi créée, dans sa globalité. On sera bien obligés un jour de se pencher sur la valeur intrinsèque de l'oeuvre d'un Gabriel Yacoub ou d'un Jean-François Vrod, et la question du rapport aux sources, sans pour autant disparaître, passera pour l'occasion enfin au second plan.

Il est bien évident que ça n'est aisé pour personne de se considérer soi-même dans une perspective globale, historique pour tout dire, dans un devenir. C'est pourquoi journalistes, dessinateurs, poètes et sociologues sont plus que jamais nécessaires à l'observation de n'importe quelle société humaine...

C'est peut-être plus facile pour nous autres, mustradémiens, qui fonctionnons en collectif.
Pour ma part, je débute rarement l'année nouvelle sans considérer les données qui s'offrent à moi sous forme de la liste à quoi se ramène toute perspective temporelle : qu'ai-je fait l'an dernier, que ferai-je cette année ? Et qui m'amène toujours à la même question : tout ceci a-t-il un sens, un dessin, une structure cachée ? Ou plus modestement : quelle histoire cela raconte-t-il ?

En 1935, Igor Stravinsky lâche sa fameuse bombe (je vous la fais courte) : la musique n'exprime rien. Il ajoute un peu plus loin : « Le phénomène de la musique nous est donné à la seule fin d'instituer un ordre dans les choses, y compris et surtout un ordre entre l'homme et le temps. ⁽²⁾ » Il ouvre ainsi la porte à tout un pan de l'analyse moderne : dehors l'essence (ou le sens), vive la structure. La musique est un phénomène qui ne peut se concevoir hors d'une durée, et le sens que nous en tirons n'est pas révélé, il est construit ⁽³⁾. Youpi ! Débarrassés de la transcendance (le sens imposé), nous pouvons mettre à distance l'émotion qui nous submerge parfois à l'écoute d'une pièce musicale, et faire comme les enfants : la replacer dans un ensemble, comme un wagon au beau milieu d'un train, et organiser tout ça à notre convenance (un psychogénéalogiste m'a dit un jour : les musiciens et les architectes font des métiers d'enfants : ils tapent et soufflent dans des trucs, ou empilent des cubes...un peu court, mais ça me va bien).

En fait, depuis mon plus jeune âge, il m'a toujours semblé que les disques que j'écoutais à longueur de journée, racontaient une histoire qu'il ne tenait qu'à moi de décrypter, voire d'inventer. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai du mal à concevoir la consommation de clips ou de séquences autonomes sur Youtube, si elles ne sont pas rattachées à un tout dans lequel je puisse trouver une cohérence ⁽⁴⁾...Ah. Mmouiii. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui encore, vous ne pensez qu'à pondre des CD ? - Voui, docteur. Un CD, c'est 10 ou 12 vertèbres d'une même colonne. - Mais vous avez conscience que ça coûte de plus en plus cher et que ça se vend de moins en moins, les colonnes vertébrales sonores ? - Eh bien voyez-vous, docteur, pas tout le temps. Par exemple, le CD Noé Novel... - Super, je vois que les 5 minutes sont passées, ça fera 100 €. Mais avez-vous déjà réfléchi au sens de votre discographie passée et future ?

Ainsi je me frottais les yeux, alors que l'évidence se faisait jour : sur la trentaine d'albums qui constituent la disco/vidéographie mustradémienne ⁽⁵⁾, tous racontent quelque chose. Mais à la bien considérer, seuls certains, parmi les derniers, mettaient en place des allers-retours particuliers entre vérité et fiction, sur un terrain de jeu touchant au patrimoine ou au territoire.

...Rites déploie tout un appareillage pour nous faire croire à la plausibilité en France d'ésotériques rituels dansés.
...In Situ Villeneuve invente un film sonore d'un quartier bien réel.
...René Zosso construit devant nous, avec une science de vieux comédien, son histoire d'un Penser Modal remontant au Moyen-Âge.
...Enfin Noé Novel réactualise pour nos oreilles d'enfants un mythe qui a la vie dure, tapi au cœur de l'hiver.

Il nous est apparu que ces 4 productions pouvaient faire la matière, au sein de notre catalogue, d'une cuvée un peu spéciale. C'est pourquoi nous vous présentons aujourd'hui la collection Nervures ⁽⁶⁾. Elle regroupera désormais nos CD / DVD qui s'appuieront sur un rapport construit au patrimoine ou à un lieu, vécu ou imaginaire, à un ancrage particulier ; à une volonté de tendre des fils de notes, d'accrocher des grappes de mots en travers de la carte d'un territoire plus ou moins réel, en prenant soin de semer derrière soi les petits cailloux du doute ⁽⁷⁾...C'est la structure souple qui donnera corps à certaines de nos fictions.

Oui, depuis 30 ans, nos petites inventions appartiennent bel et bien au territoire de la fiction. Mais certaines d'entre elles deviennent, le temps passant, des fictions de la mémoire. Terrain, plus que jamais, d'un enjeu politique majeur : le droit de chacun à s'approprier le réel, à parcourir les sédiments qui composent l'histoire de ce pays qui nous a vus naître, à y glisser en permanence des plaisirs de l'analyse à ceux de l'invention.
Il n'est pas interdit non plus de s'y promener avec le sourire ; car « c'est derrière le miroir qu'il y a la fête » (Jacques Siron).

Et sinon, ça va chez vous ?

Christophe Sacchettini
tofsac@mustradem.com

(1) En tout cas au regard des moyens, volontés et énergies mis en œuvre depuis 4 ans par le CPMDT pour l'organiser, avec d'autres partenaires (FAMDT, CMTRA, Amphi de l'Opéra de Lyon...).

(2) Igor Stravinsky, Chroniques de ma vie

(3) On trouvera d'intéressants développements de cette théorie chez Jean-Jacques Nattiez, Musicologie générale et sémiologie (C. Bourgois, 1987)

(4) Rassurez-vous, la maison MusTraDem  est aussi tenue par des moins névrosés que moi. Tout est sous contrôle.

(5) Remettez-vous tout ça une bonne fois en mémoire, ça ne vous fera pas de mal.     https://www.mustradem.com/label

(6) Nervure. La nervure possède un sens endogène : il s'agit d'un corps permettant de faire circuler la sève (botanique) ou substances nécessaires au bon fonctionnement de l'organisme vivant (zoologie). Elle possède aussi un sens exogène : elle compose en effet une structure perceptible à l'oeil, porteuse de diverses et sympathiques sensations d'ordre esthétique.

(7) On sait que « petit caillou » est l'étymologie latine du mot « scrupule »...

Un faisceau de lignes blanches

Borde l’infini

Œil noir, ouvert

Sur le printemps fleuri

Les arbres restent en hiver

Cathy Ladet, 1973-2019

Les Rolling Stones du néotrad français secoueront les planchers de Sommières (30) au festival Trad'Hivernales le 19 janvier.

Leur clip officiel (Lisières) sous le bras, ils se produiront en concert à Grenoble le 26 janvier, à St-Pierre de Mésage (38) le 27, à Annemasse (74) le 2 février, puis en bal (et en trio) à Annemasse le 15 février.

C'est officiel : l'équipe d'In Situ (Marie Mazille, Norbert Pignol, Patrick Reboud, Christophe Sacchettini et Fabrice Vigne) sera en résidence à Annemasse (74) à partir de 2019. Pendant un certain temps, nous investirons certains quartiers et y fabriquerons de la musique avec ses habitants. Nos partenaires sur cette aventure qui commence : le Conservatoire d'Annemasse, FBI prod., et bien sûr Annemasse Agglo.

N'oubliez pas avant de partir de passer par notre chaîne Youtube ! Vous y verrez nos derniers clips, très beaux tous les 2 : Lisières de Frères de Sac 4tet, et Ça mousse / route 87 du duo Brotto-Milleret, qui met la touche finale à son deuxième clip. Partagez, partagez !

Toute l'histoire de l'harmonie en 20 épisodes filmés, c'est le pari 2019 de notre série de vidéos pédagogiques ! Les captations auront lieu en public sur deux week-ends, les 8/9 mars et 29/30 mars, au Conservatoire Hector Berlioz de Bourgoin-Jallieu (38). Ouvert à tous.

Infos ici
Inscriptions ici
Infos ++ : milleret.stephane@mustradem.com

Suite de la tournée « success story » du BD-concert proposé par Stéphane Milleret, Sébastien Tron et Tony« Guy Hoquet » Canton, le 8 février à Magny-les-Hameaux (78).

Infos ici 
Calendrier ici

Le fascinant trio Rosa Combo (Catherine Faure, Jean-Pierre Sarzier, Jacques Tribuiani) se produira le 26 janvier à la Cité de la Voix de Vézelay (89) sur le thème édifiant « Un verre de vin vaut mieux que d'aimer » (résidence + stage de chant avec Catherine), puis au Bal des 3 As à St-Marcel (71) le 9 février.

Il est complet notre stage d’improvisation cuvée 2019 ! Du 24 au 28 février, vous improviserez à Bourgoin-Jallieu (38) dans la bonne humeur et le vin chaud avec Jérémie Mignotte, Stéphane Milleret, Norbert Pignol, Patrick Reboud, Christophe Sacchettini et Jean-Pierre Sarzier.

Nous réfléchissons à un 3e stage dans l'année, à partir de Pâques 2020...Discussions en cours. 

Les cycles de conférences et cours de culture trad du célèbre Conservatoire Hector Berlioz de Bourgoin-Jallieu (38) méritent vraiment le détour. Au programme entre autres cette année : Evelyne Girardon « Julien Tiersot et la chanson populaire » (19 janvier), Norbert Pignol « L'harmonie modale » (10 et 24 janvier), Jean-Loup Sacchettini « Une harmonisation modale : pratique et pragmatique » (7 mars).

L’inusable spectacle Rites jouera dans sa version duo (Denis Plassard / Xavier Gresse) à Châlons-en-Champagne (51) le 6 février.

CD toujours à la boutique.

Un vrai succès, la sortie du CD Noé Novel pour les deux magnifiques concerts de Bessans et Chambéry-le-Haut...On attend avec impatience de retrouver les Trouveur Valdotèn et l'équipe du Musée Savoisien pour la tournée d'hiver 2019-2020.

Jean Banwarth nous présente la nouvelle version de sa célèbre méthode Accompagner la musique irlandaise à la guitare, qui fit sa renommée au-delà des mers. A découvrir d'urgence !

Sortie le 25 janvier du CD Ciel Oblique d'Artho duo (Marc Anthony / Julie Garnier) sur le label Accords Croisés.

Michel Pignol recherche, pour la confection d'un orgue de Barbarie, des anches d'accordéon diatonique : pignol.m@orange.fr ou 06 49 40 63 10

Un nouvel atelier de chant à danser s'ouvre à la Villeneuve de Grenoble, ainsi qu'une chorale polyphonique « Haut les choeurs » . hautleschoeurs@gresille.org ou 06 95 02 04 55

Le film qui retrace les développements récents de la belle aventure Vents d'Est (où nous fîmes naguère une apparition) est désormais visible ici.

Enfin, j'en remets une couche sur Nos mémoires vivent, la très belle expo sous-titrée Dialogues de Stéphanie Nelson et Alexis Bérar avec le patrimoine photographique. Un maillon de plus dans le lien tressé par Alex et Stéphanie entre images d’aujourd’hui et d’hier. A voir jusqu'au 30 mars à la Bibliothèque d’Etude et du Patrimoine de Grenoble.

Les nouveautés maison

DJAL « Quarterlife » - CD
René Zosso « Penser modal - Approche théorico-pratique de la modalité occidentale » - DVD Coup de Coeur Charles Cros 2018 ❤️❤️❤️❤️❤️

Les nouvelles nouveautés

Antiquarks - Lune bleue - CD avec ou sans calendrier des lunaisons 2019

Les galettes de l'AEPEM

Jean Blanchard - CD - Au vrai chic berrichon
Hervé Capel - CD - Accordéon chromatique, Bourrées d'Auvergne et du LImousin
Michel Nioulou - CD - Vielle à roue, Musique traditionnelle du Charollais et du Brionnais
Arnaud Bibonne - CD - Bohaussac
Yannis Duplessis - CD - J'ai pris la fantaisie

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