Newsletter #38 | janvier février 2016 |
Édito Boucherie en gros | |
2015, quelle année de merde, vous dites-vous. Vivement 2016. Et tant qu'à faire, vivement le printemps. Vous avez bien raison. Le 25 mars, pour fêter le printemps, le projet In Situ entrera dans sa phase finale à la Villeneuve de Grenoble : la création In Situ in the Air avec la Cie Les Rémouleurs d'Aubervilliers, pour le festival Détours de Babel. Ensuite, une page se tournera. Pourquoi ne continuez-vous pas à la Villeneuve, nous susurre-t-on, puisque vous y êtes chez vous et que ça marche ? Eh bien tout d'abord, il faut savoir boucler un projet évolutif, sous peine de se répéter. Ensuite, parce que l'association commanditaire, Sasfé, atteinte par la pénurie de subventions, met la clé sous la porte. Comme ça ? Eh oui, comme ça. Vlan. On ferme ! (1) Quelle importance, pourriez-vous dire (2) : une association qui ferme, c'est une autre qui ouvre. Le problème, c'est qu'une association qui se respecte n'est pas seulement là pour bouffer de l'argent public mais avant tout pour faire un travail de terrain. Lui couper les vivres, c'est peut-être mettre du sang neuf ailleurs, sans garantie aucune, mais c'est d'abord et à coup sûr tuer un projet en développement. Et là les chiffres sont clairs : 3,7 milliards d'euros de baisse du soutien de l'Etat aux collectivités locales programmée en 2016 - participant des 50 milliards d'économies prévus sur la période 2015-2017 (3). Comment analyser cela, comment y trouver du sens ? Ici il ne s'agit plus seulement d'économies (comme le rabâchent les ptérodactyles des journaux de droite). Même si députés (à l'origine du texte) et sénateurs (qui le ratifient) font semblant de se battre à coup de péréquation censée lisser le suppositoire en faveur des communes les plus pauvres. Cela va au-delà d'une schizophrénie galopante qui pousse nos pathétiques dirigeants à renier dans les faits une politique de croissance qu'ils prônent en paroles (ou plutôt qu'ils réservent à des secteurs d'activités ciblés). Non : il s'agit en premier lieu d'une offensive sans précédent contre le secteur associatif, première variable d'ajustement des gestions locales. On se plaint que la politique est morte, mais si c'est pas de la politique, ça ! C'est là qu'à notre échelle, il faut convaincre sur deux fronts : - les tutelles directes qui, subissant elles-mêmes ce qui n'est plus une saignée mais une boucherie en gros, ont à élaborer un discours au-delà de "boah, l'argent c'est pas tout, l'important c'est l'imagination" (là où il faut entendre "NOUS n'avons plus d'argent, AYEZ ENCORE PLUS d'imagination"). - le militant associatif à la graisse d'eau bénite. Dans le milieu trad, il a appris la vielle à roue en 1976 avec René Zosso. Il ne sait pas lire une partition et ne voit donc pas à quoi ça sert, la musique trad c'est populaire, c'est pas fait pour se prendre la tête, les subventions pourquoi pas, après tout, 500 € pour aider à organiser le bal de fin d'année c'est toujours bon à prendre, ne serait-ce que pour louer l'ampli dans lequel joueront les bénévoles du coin pendant 5h d'affilée. Dans mon quartier, il ne joue de rien, mais il sait depuis longtemps que les médiateurs culturels et autres professionnels sont des suppôts du grand kapital. Tout DOIT venir du peuple. On a beau lui expliquer que le projet In Situ est justement un exemple de co-construction dont on nous vante la réussite, rien n'y fait. On peut aussi lui rappeler que sans aller jusqu'à se mettre un couteau entre les dents, l'argent public nous appartient un peu, quand même, et qu'il n'est que juste que parfois il retourne là d'où il vient. Non, la messe est dite : l'argent ne sert à rien qu'à pervertir les bonnes volontés. D'ailleurs, lui même n'en a pas besoin pour agir. On est tenté de lui faire remarquer que justement il ne fait rien, mais ça serait glisser sur la peau de banane de la mauvaise foi. Bref, face à ce carnage, à chaque association de consacrer une part grandissante de son énergie à récupérer d'une main ce qu'on lui enlève de l'autre. A ce petit jeu on s'épuise vite ; Sasfé en a subi les conséquences (4). Et à l'échelle du pays, un Sasfé en moins dans chaque quartier, c'est de la culture et du lien social que RIEN, absolument rien, ne vient remplacer. L'horizon est alors dégagé pour les barbus d'un côté, de l'autre le FN, qui attendent morts de rire, pour dépouiller la bestiole, que nos glorieux socialistes et républicains, dont le moindre talent n'est pas de sucer sans relâche ni vergogne le sens de leur vocabulaire, aient consciencieusement fini de scier la branche de l'Etat-Providence auquel ils doivent la place qu'occupent leurs gros culs. Bonne année ! |
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Christophe Sacchettini - tofsac@mustradem.com |
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(1) C'est MusTraDem qui veillera désormais sur les développements futurs du projet In Situ. (2) C'est un artifice rhétorique, je le sais bien que vous n'êtes pas comme ça ! (3) Source : Le Moniteur (4) Car on "tire des conclusions", mais on "subit des conséquences", les pisse-menu qui causez dans le poste ! PS : ça fait longtemps que nous ne nous étions pas croisés mais des souvenirs d'une belle création à Confolens, autour du diato, nous liaient. Comme trop d'autres, Patrick Cadeillan nous a quittés avant l'heure. |
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