Newsletter #06 | septembre octobre 2010 |
Édito Nous sommes tous à la retraite | |
« Une maison de retraite est une entreprise à part entière. » (Mr Godard, site de la ville de Martignas-sur-Jalle (33)) La retraite. Sujet rarement abordé chez les musiciens de moins de 50 ans. J’ai souvent entendu cette phrase : « je crèverai sur scène ! » J’en connais maintenant, plus âgés, et non des moindres, qui pensent à s’arrêter. D’autres ricanent : « de toute façon, on n’en aura pas ». Ils ricanent de moins en moins. Il est à la mode aujourd’hui, à MusTraDem, de renoncer au fameux « abattement de 20% « sur le salaire brut, pour frais professionnels. Il nous a fallu bien des années - et à moi le premier, pour comprendre que cet abattement, utile quand les cachets sont négociés sur la base du brut (il augmente un peu le net) amputait d’autant l’assiette des cotisations sociales – donc nos assedics et…notre retraite. Cette prise de conscience est-elle à mettre à l’actif de la crise de la quarantaine…ou de la fin de la crise du militantisme ? Il y a des lectures instructives. Celle des économistes, notamment. A l’encontre de ceux qui se font une carrière à cirer les pompes de nos dirigeants, de droite ou de gauche, en nous promettant le retour du Moyen-Age à brève échéance si nous ne renonçons pas à nos « avantages acquis » et autres « privilèges », il en est d’autres plus rigolos. Bernard Friot, par exemple. Dans son petit ouvrage « l’enjeu des retraites », il nous décrit la réforme actuelle comme un processus purement idéologique, entamé depuis 30 ans par le gel des cotisations patronales et surtout l’indexation de la retraite sur les prix et non plus sur les salaires, selon la bonne vieille méthode consistant à vider de son efficacité un dispositif de socialisation qui avait fait ses preuves depuis 50 ans. Les objectifs sont multiples : promouvoir les fonds de pension, privatiser peu à peu le régime, casser la cohésion sociale et assujettir le salarié à un monde du travail qui lui est de plus en plus défavorable. Tout le monde connaît ça. Là où cela devient savoureux, c’est quand Friot démonte, calculette en main, le fameux « problème démographique » qui nous obligerait à nous couper un bras si l’on veut que nos enfants puissent subsister demain (dans un des pays les plus riches du monde !). En gros : la courbe d’augmentation du volume affecté aux pensions n’est pas de nature à déséquilibrer un PIB qui, en constante augmentation lui aussi, crée automatiquement plus de richesses, à même de combler sans problème, comme par le passé, les besoins d’une population elle aussi en augmentation. Et voilà, mesdames et messieurs, sous vos yeux ébahis, le « problème » disparu. On se sent mieux, tout d’un coup. On va pouvoir continuer à faire des gosses. Ou, mieux, on va pouvoir enfin discuter de ce qui nous importe vraiment, à nous autres saltimbanques : l’indispensable – et croissante – dissociation du salaire et du temps de travail. La reconnaissance, non pas du mérite lié au poste de travail (qui nous met à la merci de l’ultralibéralisme), mais d’une qualification productrice de richesses, certaines quantifiables, d’autres non, dans la lignée historique des fonctionnaires dont la qualification s’améliore à mesure de leur carrière…ou des militaires dont le salaire ne tient pas au poste qu’ils occupent, mais à leur grade. Dans cette démarche qui invente une continuité par-delà le travail prétendument « intermittent », force est de reconnaître que les professionnels du spectacle sont à la pointe. C’est uniquement cela que le patronat a voulu casser en 2003, en se foutant pas mal du salut de l’Unedic (là encore le bourrage de crânes a bien fonctionné). C’est pour cela que nous nous sommes battus. Peu le disaient à l’époque. L’orientation du débat politique aujourd’hui nous donne raison, et l’occasion de remettre le couvert. Comme on est bien contents, on en reparlera. |
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Christophe Sacchettini - tofsac@mustradem.com |
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A lire absolument : Bernard Friot « L’enjeu des retraites », coll. « Travail et salariat », la Dispute, 2010 |
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