Mustradem - Musiques Traditionnelles de Demain
Newsletter #28 mai juin 2014
Édito Hic, nunc et in situ

Nombre d'entre vous se sont émus de mon édito "alarmiste" (réaliste, plutôt) du mois de janvier. On vous en remercie. Voici donc des nouvelles. Nous ne sommes pas près de laquer en or les murs du local, mais des mesures ont été prises, qui vont sans doute nous permettre de passer le cap 2014. Le budget a été voté, il est rasibus, mais sain et positif. Par ailleurs, il est une réflexion qui nous occupe depuis longtemps. Elle se résume simplement : qui sommes-nous ? D'où venons-nous ? Où allons-nous, et qu'est-ce que nous foutons là ?? Comme on voit, rien de très compliqué, mais qui ne se chiffre pas comme ça. Pouvons-nous vraiment être à part égale un label de production, une structure de diffusion et un collectif d'artistes (1) ? Créer, jouer, militer, entretenir le réseau ? Au-delà du sauvetage immédiat de la structure, il nous faut réagir, en particulier, à la difficulté à faire tourner des groupes, et à trouver l'équilibre entre formules "légères" et créations sur le long terme. Cela prend du temps. Certains le font en s'immergeant dans le travail, d'autres en marchant, en allant voir ailleurs. Chacun de nous gère, comme il le sent, l'équilibre entre les marges et le noyau. On bute vite sur un paradoxe : j'ai besoin de temps pour entretenir ma relation à mon instrument, j'en ai besoin pour faire jouer aussi les fils invisibles qui me relient au monde (2). A ce jeu-là, il arrive que des voies jusqu'ici parallèles se perdent de vue. Votre souci : que faire ? Eh bien, la même chose qu'avec toute entreprise qui tente de concilier art et commerce : nous acheter des concerts, des bals, des disques ou des stages. Vous pouvez aussi participer avec nous à cette réflexion. En nous écrivant, en adhérant, en participant au CA si vous le souhaitez. Plus que jamais, il s'agit pour nous d'inventer une danse sur toutes les touches du piano qui relie création et diffusion. De retrouver également, sur l'échiquier de la cité, une place que nous avions, ces dernières années, un peu perdue.

Aujourd'hui, pour nous, la réponse est In Situ. In Situ, c'est un projet proposé l'hiver dernier par Marie Mazille. Parmi les quartiers mythiques de notre bonne ville de Grenoble, il en est un qui reste d'autant mal compris qu'il revient périodiquement sous les feux de l'actualité : le quartier de la Villeneuve, "cité nouvelle" achevée en 1973 en périphérie sud. 14000 habitants, une quarantaine de nationalités. Des utopies, des échecs forcément, des réussites aussi (cf Télérama n°3356). Marie a réuni une équipe (Norbert Pignol, Patrick Reboud, Christophe Sacchettini), en vue d'un projet de collectage-création auprès des habitants du quartier ; projet financé par l'association Sasfé (culture et lien social), et soutenu par MusTraDem, qui pourrait produire le CD issu de cette première année de travail. Le modus operandi (3) est le suivant : depuis janvier nous collectons des chansons, musiques et sons urbains, un matériau que nous retravaillons "en studio”. Ce dispositif interactif (chants, sons, boucles, bandes…) et évolutif, a été testé en public, sous différentes formes (mini concert, sessions, scènes ouvertes) avec nos invités musicaux ; il sera finalisé à l’endroit même de la collecte, sous forme d'un concert donné au festival Quartiers Libres (dont Sasfé assure la direction) le 7 juin. Il connaîtra une deuxième vie sur la saison 2014-2015.

Autant l'assemblage de sons urbains n'est pas pour nous une nouveauté (Norbert Pignol s'en est fait une spécialité dans les derniers albums Fictions, Rites, ainsi que l'expérience Pignol Moncton au Canada avec Pascal Cacouault), autant le collectage était jusqu'ici un terrain de jeu inconnu – sauf de l’initiatrice du projet. Acteurs des musiques traditionnelles ayant fait de la distance aux modèles un redoutable exercice d'élasticité (de plus en plus périlleux par ces temps de crispations économico-esthétiques), nous sommes en particulier trop peu investis sur ce terrain-là pour avoir collecté des acteurs du monde rural. Nous nous retrouvons aujourd'hui au coeur de l'urbanité, où appliquer la démarche mustradémienne à du répertoire collecté nous offre une nouvelle boucle, entre mémoire vivante et création. C'est nouveau et excitant.

A tout projet in situ il faut une fenêtre. La voici : si ce travail prend une résonance particulière, c'est aussi parce que nous connaissons si bien le quartier sur lequel nous opérons, que deux d'entre nous y habitent, dont le réseau amical n'est pas pour rien dans la réussite de l'entreprise. Nous considérerions néanmoins comme un exaltant défi d'aller renouveler l'opération ailleurs, différemment, sur d'autres territoires. Qu'on se le dise. Et rendez-vous le 7 juin.

Christophe Sacchettini - tofsac@mustradem.com

(1) Sans même parler de la pédagogie, activité non négligeable...

(2) Ces éditos "à la marge" en sont une tentative, parmi d'autres...

(3) Promis, après j'arrête avec le latin, les notes en bas de page, et les points de suspension...

A LIRE EN RÉÉCOUTANT l'intégrale de Tonynara, à la mémoire du camarade Nass Hassani, parti chanter et boire des coups avec Pete Seeger et Anthony McCartan...

 
          
 
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