Mustradem - Musiques Traditionnelles de Demain
Newsletter #24 septembre octobre 2013
Édito Trop de bonheur

Ah ! Quel bel été !...

Je vous connais, je vous vois venir : vous attendez le « néanmoins », la vacherie, la pointe de raillerie. Vous serez déçus, tas de cyniques : l’été fut réellement splendide (1). Et puisque vous me demandez la recette d’un été réussi, je vais vous la dire.

D’abord, du soleil. Le vrai, celui qui nappe vos rêves comme vos années finies. Il faut aller là où il y en a. Préférez la région Rhône-Alpes, qui regorge de coins de nature musicale. Evitez Grenoble, une vraie fournaise. Ou alors, il faut aimer le béton brûlant (c’est mon cas).

Ensuite, pas d’été digne sans tube. Cette année, ce fut Bel après-midi, du tandem Blanchard-Girardon, que nous servirent les chanteurs emmenés par Catherine Faure (la seule, l’unique) tout au long du stage Mydriase (souvent imité, jamais égalé), et qui hante encore mes nuits. J’eus droit à l’original, par les originaux – en live s’il vous plaît – quelques jours après, dans les ruines du Château de Bressieux où, la nuit venue, au son de la voix d’André Gabriel, on fondait des cloches : les miracles, comme le facteur, sonnent toujours deux fois, mais jamais du même timbre.

Et puis, surtout, il faut cette sensation unique d’enchaînement parfait, entre voyages, concerts, ville et vacances, ce bonheur de rouler au soleil, avec sa feuille de route, son bilan carbone et le coffre plein d’instruments. Renouveler chaque matin sa batterie, sa partition de vie. Faire son métier en plein, sans rien regretter. A nous, entre les plages, comme sur un album réussi, de savoir y respirer.

Bref, les musiciens du grrrand Collectif MusTraDem ont bossé tout l’été, messieurs-dames, qui en stage, qui en concert, qui en studio, pour vous apprêter les galettes et créations (voir ci-dessous) sans quoi votre rentrée ressemblerait à un jour sans pain ou un bitter san pellegrino. Entre ce que nous voulons et ce que nous allons faire, il y a l’espace qui mène de la carte au territoire. Mais nous n’avons jamais rien fait d’autre. Cela ne sera pas sans compter, au bilan que dressera Jérôme Hamon, le 18 septembre aux Assises du CPMDT à Correns (voir ci-dessous), de 23 ans d’aventures.

En attendant, ces premiers jours de septembre, de rayons en orages, ce basculement de saison, si dur à vivre pour les tempéraments fragiles, me renvoient à des victoires adolescentes : la joie, la certitude de plonger dans l’inconnu. Sentir doucement se fondre un été flamboyant et solitaire, en un automne fébrile, tranquille et patient ; malgré le froid qui s’installe, une saison de mains et de mots qui se cherchent. Le jour baisse. C’est là, bien mieux qu’en janvier, que les dés se rejettent ; que l’on bat à nouveau les chiffres anciens. Ça n’est pas seulement histoire de champignons, de sous-bois et de vendanges, ni d’aller bras nus pour braver la pointe du vent. Là, comme en musique, ni frontières, ni théories. Juste d’infinis rapports entre les êtres, les choses et les heures. Entre vie et mort, ensemble et solitude, nuit et jour, présent et futur, rien que la palette du peintre. Vous qui n’arrivez pas à oublier, l’automne le fait pour vous. Les premiers jours de septembre sont des giètes (2) sur l’hiver.

Le point d’orgue de cet été frémissant fut une fête à la lisière de la Drôme, chez Hal et Hélène Collomb. C’est la Fête des Lustres, tous les 5 ans. On a dressé un chapiteau dans le pré, il y a des vélos dans les arbres, des enfants partout, une scène, chants et musiques, des gens qui tous se ressemblent d’une histoire presque commune. On ouvre grand la boîte à conneries et tendresses, les heures passent, et il arrive que l’on voie s’y lever le soleil (3).

Je retrouve là, à table, Sylvie B., chanteuse de son état. Tous deux encore à jeun, on se raconte nos vies ; nous devisons vigoureusement. Propos pressés de ceux que le temps bouscule, puis soudain laisse en paix, livrés à eux-mêmes sur une plage déserte – celle de la quarantaine.

On glose sur le débat qui m’oppose, dans les colonnes de Trad Mag, à Philippe Carcassés, qui fait le procès du néo-trad pour de mauvaises raisons – comme tous ceux qui s’y risquent : se plaçant d’emblée du côté des catégories classiques (le Beau, le Bien…) qu’il prétend dénoncer – et reproduisant par là, sans même s’en rendre compte, le procès fait au free jazz, à la musique contemporaine, au rap, à toute esthétique avant-gardiste condamnée comme telle, par nature, et sans plus s’y pencher.

Dans cette ivresse naissante, soudain Sylvie s’arrête, fixe le vide, puis plonge ses yeux (les deux, waouuuu) au fond des miens, là où ça remue : « Le marxisme n’a jamais été réalisé…(silence)…les musiques trad… » Non plus ? C’est cela que tu veux dire, Pythie ? Qu’il reste des choses à faire, à dire, à inventer ?

Une utopie, voilà. L’homme écrivant succombe parfois à la tentation de la phrase qui résume tout : le code, l’oracle adolescent, l’énigme qui reste au sortir du rêve. Désormais, pour les éditos, pour la formule magique, voyez la Bergère. Moi, je traduirai, je broderai autour ; j’improviserai la variation.

A John Wright.

Christophe Sacchettini - tofsac@mustradem.com

(1) Et il continue. J’écris assis dans l’herbe, l’ordi sur les genoux, il a plu cette nuit, la lumière ! Vous devriez voir ça.

(2) “Autrefois, à la ferme, on se préoccupait tout spécialement des vaches qui s’apprêtaient à vêler (…). Alors, on la posait cette question, comment ça va. On disait : Comment va la vache ? Et on répondait : Elle est dans les giètes. Ce qui voulait dire : Le veau est à terme, la vache peut accoucher n’importe quand. Les giètes, ce sont ces jours en surplus, ces jours qu’on peut arrêter de compter, il n’y a plus qu’à attendre ce qui aurait déjà dû arriver..”
Fabrice Vigne, Les Giètes, Ed. Th. Magnier 2007, p. 100

(3) Je ne crois à rien ailleurs qu’ici bas, mais je prie pour Hélène et Hal, voilà.

PS : encore en groupe de néo-trad dont la base se délite ! Ca va faire plaisir au camarade Carcassés. C’est Pain d’Epices, qui donnera son dernier concert le 5 octobre à Rontalon (69). J’irai, et je les remercierai. C’était bien.

 
          
 
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